La femme qui ne vieillissait pas

 

« La femme qui ne vieillissait pas » d’après le roman Grégoire Delacourt dans une mise en scène de Tristan Petitgirard au théâtre Buffon est un moment de grâce, un moment magique qui suspend le temps.

 

Grégoire Delacourt est un auteur qui tient une bonne place dans ma bibliothèque et naturellement j’ai lu ce roman lors de sa sortie dans les librairies.
Pour ceux qui ne le connaissent pas, outre son roman adapté en film « La liste de mes envies », j’ai particulièrement apprécié « On ne voyait que le bonheur » ou encore « Mon père ».

Il y a dans son écriture une puissance des mots qui vous donne le frisson, qui vous apaise, et qui vous fait aimer la lecture.

Dans la femme qui ne vieillissait pas, à la demande de l’auteur Françoise Cadol a construit son seule en scène en n’ajoutant aucun mot qui ne soit issu du roman. Elle place l’action dans le studio photo qui servira les années qui défilent dans la patte de Pauline Gallot.

« Essaie de ne pas sourire » dit la voix off apaisante de David Krüger.

Une prouesse quand on écoute Françoise Cadol vivre intensément son rôle de Betty au cœur de l’intrigue. Avec beaucoup de poésie, elle nous livre une adaptation à la finesse révélatrice d’une grande sensibilité.

« Ce qui est arrivé à Betty est le rêve de toutes les femmes.  Et pourtant. »

L’épreuve du temps peut faire des ravages sur ceux qui ne l’acceptent pas et en particulier les femmes sur lesquelles le regard de la société peut-être catastrophique si elles n’arrivent pas à s’en détacher.

Comment ne pas être touché par cette femme qui dès son adolescence fut marquée par la disparition de sa mère, disparition qui détruisit à jamais le fragile équilibre familial.

Françoise Cadol dans une insouciance rieuse nous conte les premières années de Martine alias Betty pour l’allure, son mariage avec André, la naissance de son fils Sébastien.

Elle a trente ans et fait la connaissance de Fabrice, le petit ami de sa copine Odette vendeuse aux Nouvelles Galeries, un photographe au grand projet photographique « à l’intitulé cérémonieux : Du temps. ». Elle sera son modèle.

Chaque année à date fixe, habillée avec son même chemisier blanc, il la prendra en photo.
Une photo qui restera figée dans le temps et qui aura une influence sur l’éclat de sa vie.
« C’est fascinant la jeunesse », les premières années cela est réjouissant, vos copines sont envieuses et veulent absolument connaître votre secret de beauté mais au fil des décennies ce visage qui ne prend pas une ride et votre corps qui ne l’entend pas de la même oreille : cela devient insupportable, même si le Mambo vous démange…

Insupportable dans la vie professionnelle et la vie familiale, celle de tous les jours.

« Essaie de ne pas sourire ».

Au fil des années votre vue baisse mais votre visage ne change pas, et quand vous voulez refaire vos papiers d’identité, il vous faut une photo récente, récente vous dites mais son visage ne bouge pas…

« Essaie de ne pas sourire ».

Françoise Cadol, un soleil lumineux, respire le bonheur dans l’adaptation de ce roman. On sent dans son jeu une force réconfortante de vivre au grand jour sa passion de la vie, avec son œil coquin, pétillant et son sourire, oui j’ai bien dit sourire, éclatant.

Un travail de précision remarquable pour Tristan Petitgirard, assisté de Bérengère de Pommerol, dans sa mise en scène au cordeau, d’une fluidité au service des années qui passent, associée au travail tout aussi soigné des lumières de Denis Schlepp.

Une mise en scène qui n’aurait pas l’impact que nous lui reconnaissons sans le concours incontournable de la musique de Romain Trouillet. Une complicité, un travail qui produit ses effets. Il propose dans un premier temps une maquette, un premier projet à Tristan Petitgirard pour ensuite venir assister aux répétitions et caler sa musique sur le souffle, la voix de l’interprète en parfaite symbiose, où ses silences ont une importance. Un travail d’orfèvre qui produit son effet, qui réjouit nos oreilles et devient le personnage qui lie l’invisible au visible.

C’est du grand art, du grand théâtre : un des plus beaux spectacles que j’ai vus cette année à Avignon que je vous recommande chaudement.

 

« La femme qui ne vieillissait pas » au théâtre Buffon, jusqu’au 31 juillet à 15h25.

 

 

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