11 Janvier 2024
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« Le voyage de Molière » de Pierre-Olivier Scotto et Jean-Philippe Daguerre qui en assure aussi la mise en scène, sur la scène du théâtre La gare du Midi de Biarritz, organisée par Les Amis du théâtre de la côte basque est une plongée dans l’univers du maître incontestable de la Comédie dont on a fêté les 400 ans en 2022.
L’action se situe dans la genèse de la vie de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, le 15 novembre 1656 (il a 34 ans), et de sa troupe considérée comme la meilleure troupe de campagne : L’illustre Théâtre !
Une fable qui nous transporte du 21e au 17e siècle avec comme fil conducteur un certain Léo qui aspire à devenir comédien sur les traces de son illustre mentor en la personne de l’immense Molière. Tout commence par une banale audition dans laquelle sa surexcitation lui fera perdre ses moyens, à en perdre connaissance, pour le transposer dans son rêve dans une autre époque. En cela, il est tout à fait préparé puisqu’il porte un pourpoint et un jean, costumes pouvant satisfaire toutes les situations, tous les rôles. Quoi de mieux pour affronter le décor fort bien équilibré d’Antoine Milian, permettant une fluidité des scènes pour un voyage onirique réjouissant, agrémenté par les costumes de Corine Rossi et les lumières de Moïse Hill.
Dans un rêve qui mêle le « réel » et « l’irréel », nous naviguons entre deux atmosphères qui se combinent judicieusement. La force de ce quatre mains entre Pierre-Olivier Scotto et Jean-Philippe Daguerre est de faire dialoguer subtilement le XXIe et XVIIe siècle. Dans un phrasé, un vocabulaire qui nécessairement déclencheront les rires par leur juxtaposition.
Ils ont d’ailleurs finement dans cette comédie, tricoté, inséré des scènes réelles tirées des pièces de Molière à une vie de troupe purement imaginative, comme celle par exemple du Bourgeois Gentilhomme où Monsieur Jourdain prend un cours de françois. Transposé ici dans un cours d’anglois où le « u » se prononce « you » pour entonner en cœur la chanson des Beatles « Hey Jude » !
Une vie de troupe avec ses hauts et ses bas comme l’épreuve qui les attend à Béziers avec la peste qui sévit et qui risque de les ruiner. Fort heureusement, la troupe a plus d’un stratagème dans ses manches et l’évêque de Béziers dans une scène hilarante succombera à la gent féminine et leur permettra de jouer leur deuxième grande comédie « Le dépit amoureux » bien avant le premier succès de Molière avec « Les précieuses ridicules interprétées en 1659 ». Un évêque qui ne manque pas de mordant en la personne de Teddy Melis qui a emporté dans sa folie le public, également dans son rôle tout en rondeur de Gros René aux côtés de sa muse la Marquise Duparc interprété joliment par Mathilde Hennekinne.
Des scènes où la fantaisie des auteurs sera reine !
Un Léo qui dans un songe, un rêve éveillé, retrouve son amoureuse Emma dans les traits d’Armande Béjart, l’espiègle mystérieuse Charlotte Ruby, fille de la dévorante Madeleine Béjart sous les traits aimants de Charlotte Matzneff. Un conflit intergénérationnel qui ne manque pas de sincérité, de piquant, de saveur, interprété dans une fougue tout en nuances colorées par Geoffrey Palisse qui dans un certain sens a bien du mal à se faire comprendre avec son vocabulaire d’un autre temps, agrémenté d’un violoncelle à la particularité dissonante frisant l’harmonieux.
Il débarque dans une troupe où la joie de vivre bat son plein et balaie d’un revers de manches les tracas pour ne se concentrer que sur l’Art du théâtre au service de leur public.
Du théâtre dans le théâtre dans une ambiance, une mise en scène rondement menée, captivant le public jusqu’au salut. Jean-Philippe Daguerre connaît toutes les ficelles de ses ruses pour amener là où il faut chaque comédien dans le jeu qui le met en valeur et qui répond à l’intrigue : il aime ses comédiens et ils lui rendent bien : une belle troupe qui a de belles années devant elle, à l’image de L’illustre théâtre !
Comme dirait Molière : C’est une étrange entreprise que de vouloir faire rire les honnêtes gens » eh bien Jean-Philippe Daguerre par un sourire, un silence, une pause, un geste, un son, un phrasé (si important dans un alexandrin), il accomplit avec tendresse et émotion ce miracle !
Un hommage que Molière, interprété tout en retenu, en sagesse par le maître des lieux, Thibault Pinson, ne serait renier et de son bras droit Charles Dufresne en la personne généreuse, toujours prête à aider, de Grégoire Bourbier, sans oublier la friponne Toinette interprétée par Violette Erhart.
Un voyage qui laisse en nos cœurs une place à la générosité, à la bienveillance, à l’amour de son prochain dans une présence théâtrale nécessaire à notre développement. Le théâtre est immortel…Molière aussi !
« Le voyage de Molière » sur la scène du théâtre La gare du Midi de Biarritz, un évènement Les amis du théâtre de la côte basque, une coproduction Le grenier de Babouchka & Atelier théâtre Actuel. Vu le 110124 Prochaines représentations : le 18 janvier à Morteau, le 23 janvier à Cébazat, Le 26 janvier à Bures-sur-Yvette, le 27 janvier à Bonneuil-sur-Marne…