7 Juillet 2025
« Les Collectionnistes » une comédie impressionniste de François Barluet dans une mise en scène de Christophe Lidon sur la scène du Théâtre des Gémeaux souffle un vent de liberté sur un art décrié.
Nous sommes en 1874, année mémorable qui marque le début de ce qu’on appellera « L’impressionnisme », un cycle, un regard qui se poursuivra jusqu’en 1886. Nous sommes accueillis dans le salon de Jeanne et Paul Durand-Ruel, un marchand d’art visionnaire, qui a soutenu au risque de sa faillite personnelle les grands noms de la peinture tels Renoir, Monet, Pissarro, et leurs compagnons rejetés par le public de l’époque : les soutenir financièrement afin qu’ils n’aient à penser qu’à leurs créations.
Le dispositif très ingénieux de la scénographie avec la projection des tableaux sur le mur du salon quand une peinture est disposée sur le chevalet permet au spectateur de ressentir les mêmes émotions que les comédiens qui décrivent le tableau.
La scène d’ouverture sur une critique d’un tableau de Renoir vaut son pesant d’or : Jeanne avec son franc parler détaille dans une description désastreuse les couleurs, les formes, en allant encore plus loin dans son dégout en décrivant un amas de chairs en décomposition ! Rendez-vous compte Renoir ne peint pas les doigts : mais où va-t-on !?
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Jeanne, dans sa compréhension des tableaux, donne sa préférence à la période Barbizon, ce n’est pas la peine d’essayer de l’amadouer avec un défilé de peintures avec ses couleurs qui vont et viennent. Corot a les mains qui tremblent un point c’est tout ! Tout comme Claude Monet, un gros ours qui peint des coquelicots !
Car si nous nous concentrons sur le marchand d’art visionnaire qu’est Paul Durand-Ruel, il ne serait rien sans sa femme Jeanne qui en plus développe un certain talent dans la négociation. Mais absorbé par sa volonté de protéger ses peintres, leurs peintures, en les achetant par centaines, une folie douce, hasardeuse, et en leur consacrant ses soirées, il délaisse sa femme qui pour réveiller son ardeur le met devant le fait accompli en faisant chambre à part : à lui de la reconquérir.
Un artiste doit avoir faim pour faire du bon travail !
Des peintres rejetés par l’académie feront salon à part avec leur exposition dans l’atelier de Nadar, le photographe, trahissant ainsi Paul Durand-Ruel, lui qui les a tant soutenus : ce fut le début de l’impressionnisme avec le tableau de Claude Monet, qui se fit remarquer, « Impression soleil levant » (que l’on peut admirer dans le musée Marmottan à Paris). Une nouvelle technique picturale qui donne la primeur aux effets de lumière.
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Gravitent autour de ce couple, un journaliste du journal Le constitutionnel qui n’hésite pas à railler ce qu’il qualifie de croutes, réservant son esprit à la peinture traditionnelle, académique, et le jeune Auguste Renoir à la fragilité perceptible, cherchant son chemin de vie. De belles scènes qui emportent les rires, notamment celle avec Jeanne et ses formes.
Une belle scène finale qui ouvre nos esprits à la modernité : vivre avec son temps, accueillir la nouveauté sans préjugés.
Christophe Lidon, assisté de Mia Koumpan, signe une mise en scène enlevée, joviale. Avec son dispositif scénique inventif, sous les clairs-obscurs des lumières de Moïse Hill, il donne du rythme, de la fantaisie, le tout avec les vidéos de Léonard et la musique de Cyril Giroux. Les costumes somptueux de Jean-Daniel Vuillermoz complètent poétiquement cette atmosphère des débuts de la IIIe république. Une mise en scène qui donne l’impression d’entrer dans un tableau.
Christophe de Mareuil campe un Paul Durand-Ruel à la fois déterminé et émerveillé, comme un enfant qui découvre ses jouets à Noël. Sa passion pour l’art est contagieuse. Elle nous donne envie de nous ruer dans les musées pour admirer toutes les toiles évoquées dans cette pièce.
Jeanne, son épouse, sous les traits de l’espiègle Christelle Reboul, au charme indéniable et à l’humour mordant, nous fait penser dans son duo intrépide aux scènes de Feydeau. Leur complicité retient toute notre attention, nous sommes suspendus à leurs lèvres.
Frédéric Imberty en journaliste du Constitutionnel est impayable de drôlerie, son double jeu pétillant avec son œil lubrique fait des merveilles.
Quant à Victor Bourigault en Auguste Renoir, dans son besoin de reconnaissance, tout en étant tourmenté, donne toute la fragilité requise au personnage.
Une comédie impressionniste, un feu d’artifice émotionnel, une fiction qui sonne juste, à ne surtout pas rater : un hymne à la passion et à l’audace artistique !
« Les Collectionnistes » sur la scène du Théâtre des Gémeaux, à 16h20, du 05 au 26 juillet, relâche les mercredis. Vu le 070725