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Au gré de mes sorties retrouvez mes impressions qui je l'espère vous donneront l'envie d'aller au théâtre , voir un ballet, écouter un chanteur, un concert.

Le billet de Bruno

Le repas des fauves

« Le repas des fauves » d’après le texte de Vahé Katcha adapté et mis en scène par Julien Sibre, une production Atelier Théâtre Actuel, un évènement Entractes Organisations, sur la scène du théâtre de La gare du midi à Biarritz, est un uppercut reçu en pleine face qui vous pose une question : que ferais-je à leur place ?

 

Cette pièce aux trois Molière, largement mérités, fait les beaux jours des théâtres depuis sa création le 14 septembre 2010 dans le Théâtre Michel sous la direction de Didier Caron. Aujourd’hui Julien Sibre présente une nouvelle version remaniée pour près d’un tiers avec en ouverture une fête d’anniversaire plus joyeuse contrastant davantage ensuite avec la noirceur des personnages, des propos qui retiennent le public en haleine : savoir jusqu’où sont-ils capables de s’abaisser pour sauver leur peau ?

J’ai vu cette pièce à sa création, elle m’avait marqué et je pensais en sortant du théâtre qu’elle aurait un Molière : elle en a eu trois ! J’avais ressenti une profonde émotion, tant par la qualité du texte, de son adaptation que par l’interprétation des comédiens qui m’avaient subjugué.

 Aujourd’hui encore, je ressors du théâtre avec les mêmes émotions tant cette histoire menée tambour battant est prenante jusqu’à la scène finale, en se posant toujours la même question : que ferais-je à leur place ? Une question que l’on peut se poser à chaque scène tant les solutions proposées pour sauver sa peau sont multiples.

Pour mieux comprendre ce qui précède, il faut remonter en 1942. La France est sous l’occupation allemande, le maréchal Pétain a signé l’armistice et les Français font ce qu’ils peuvent pour survivre à cette invasion. Chacun y va de ses petites combines pour alimenter son quotidien, pour s’offrir des petits arrangements entre amis, plus connus sous le nom de marché noir… Nous nous invitons à la fête d’anniversaire de Sophie organisée par son mari Victor, libraire de son état, à laquelle sont conviés ses amis, Françoise, le docteur Jean-Paul, Pierre le vétéran aveugle, Vincent le professeur de philosophie, et André l’industriel aux multiples connaissances…seul manque à cette joyeuse réception Max.

 Chacun y va de son petit cadeau et chacun se sent ridicule à l’arrivée d’André, qui malgré les restrictions de l’occupation, multiplie les victuailles et cadeaux afin que la fête soit mémorable, qu’elle laisse un souvenir impérissable…et quel souvenir… Deux coups de feu résonnent dans cette soirée qui va virer au drame, au cauchemar. En effet, deux officiers allemands sont abattus au pied de l’immeuble. Il s’ensuit un branlebas de combat dans l’immeuble et surgit soudain dans l’appartement le commandant SS Kaubach, de la Gestapo, qui vient réclamer deux otages en représailles de l’attentat. Dans sa grande bonté, il les laisse finir leur petite fête et reviendra dans deux heures pour les récupérer…à eux de les désigner !

Tous ces invités, de milieux différents, vont exposer à tour de rôle pourquoi ils ne peuvent pas donner leur vie, se sacrifier, se porter volontaire en représailles de l’attentat. Des « héros » qui vont se révéler dans ce qu’il y a de plus détestable, des héros qui au commencement de la soirée sont soi-disant des amis mais qui en réalité n’ont qu’une seule devise : chacun pour soi !

Le champagne a beau couler à flots, l’atmosphère de ce huis clos est pesante, les longs silences parlent d’eux-mêmes, les prières n’y feront rien, même l’humour sous-jacent dans une telle occasion ne fournira pas la solution : que ferais-je à leur place ? Telle est bien la question à laquelle il est très difficile de répondre. De l’espoir dont la flamme jaillit de temps en temps à la peur de mourir : des situations qui révèlent une vision de la nature humaine bien sombre…réaliste ? Les salauds, les chiens se lâchent dans de pareilles occasions pour engloutir leur bifteck : un repas d’anniversaire qui se transforme en repas des fauves.

Une petitesse, une médiocrité, une cruauté, un avilissement de la noirceur de la nature humaine parfaitement décrit par Vahé Katcha, un auteur à l’impressionnante carrière, adapté magistralement par Julien Sibre à l’écriture parfaitement ciselée, qui manie habilement l’art du suspense alimenté par la musique de Jérôme Hédin et les vidéos de Cyril Drouin.

 La scénographie de Camille Duchemin, les costumes de Mélisande de Serres mis en valeur par les lumières de Jean-François Domingues contribuent au succès de sa mise en scène, assisté de Nolwen Cosmao. Une mise en scène fluide, taillée comme un diamant dont on découvre progressivement toutes ses facettes, qui met en valeur l’humour et la dérision de cette page de notre histoire, dont l’actualité nous poursuit : l’histoire est un continuel recommencement, mais ce qui est étrange est que nous ne tirions pas les leçons du passé.

Une osmose marquante dans cette distribution pour une interprétation d’extrême qualité. Le jeu des comédiens aux talents indéniables révèle toute la puissance de ce texte, qui nous fait réfléchir : Thierry Frémont, Jochen Hägele, Jérémy Prévost, Caroline Victoria, Geoffroy Guerrier, Julien Sibre, Barbara Tissier et Cyril Aubin sont les formidables protagonistes de cette sombre aventure : une pépite !

 

« Le repas des fauves » sur la scène du théâtre La gare du midi, un évènement Entractes Organisations dans une tournée de l’Atelier Théâtre Actuel. vu le 140325 Prochaines représentations : le 18 mars à Asnières-sur-Seine, le 20 mars à Caluire-et-Cuire, le 22 mars à Taverny, le 25 mars à Fréjus, le 28 mars à Puteaux, le 29 mars à Montigny-le-Bretonneux, le 31 mars à Douai…

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