6 Juillet 2025
« L’amant » d’Harold Pinter dans une traduction d’Eric Kahane et une mise en scène de Thierry Harcourt sur la scène du Théâtre du Chêne Noir, est une critique sociale acerbe des relations humaines par le prisme du couple.
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Dans un troublant jeu d’ombres orchestré par une musique rythmée donnant la part belle à l’accordéon, Sarah et Richard forment un couple, sans enfant, depuis dix ans, en apparence heureux, et exécutent dans un rituel bien rodé les derniers préparatifs matinaux afin que Richard puisse partir travailler sereinement. Ce dernier ne manquera pas, comme à l’accoutumée, de lui demander si elle recevra son amant dans l’après-midi, ce à quoi elle répond par l’affirmative.
Le ton est donné. Harold Pinter, considéré comme la figure la plus illustre du théâtre anglais dans la seconde moitié du XXe siècle, dans sa magie de l’étude du couple, des relations humaines, va distiller au fil de ses répliques acerbes, ciselées, subtiles, à la limite de l’absurde, ses silences bien étudiés adroitement combinés à des pauses, toute la parfaite panoplie de la liaison, qu’il a particulièrement retranscris dans sa pièce « Trahisons » : d’où le qualificatif d’écriture pinteresque. Il se fait un malin à plaisir à scruter la vie conjugale et son rapport au désir.
Pour en revenir à Sarah et Richard, qui avaient décidé de se réinventer, de sortir de leur routine du couple qui en fin de compte laisse place à l’ennui, ils nous exposent dans leur réflexion du couple à un jeu grivois des plus pervers où les fantasmes libèrent une franchise qui ne saurait être absente. Trompé avec l’autre à l’heure du thé, oui mais c’est toi que j’aime : la perversité poussée à son paroxysme.
Ce petit jeu adultérin a plu, a convaincu jusqu’à maintenant mais Richard dans un sursaut d’orgueil masculin souhaite y mettre fin, ce qui n’est pas du tout de l’avis de Sarah.
Un jeu où à tour de rôle chacun endossera la peau de l’amant, de la maîtresse, avec une petite incartade lorsque que le laitier apparaitra de façon fugitive : mais dans cette épreuve qui est pris au piège de son propre jeu ?
Thierry Harcourt, assisté de Clara Huet, maîtrise parfaitement son sujet, lui l’inconditionnel d’Harold pinter. Il a choisi avec Jean-Michel Adam une scénographie intemporelle dans les tons jaunes, évocateur à souhait du sujet de la pièce. Les lumières de Didier Brun donnent du relief à l’intrigue rythmée efficacement par la musique de Tazio Caputo. Le tout complété par les costumes de Chouchane Abello Tcherpachian. Sa mise en scène affectionne la sobriété dans une élégance naturelle, humoristique, allant droit au but afin que le spectateur puisse réfléchir sans se perdre dans des fioritures, tout en mettant en exergue le texte de l’auteur.
Il donne ainsi à Sarah Biasini et Pierre Rochefort une direction à suivre pour respecter la profondeur du propos d’Harold Pinter qui se veut respectueuse. Dans un équilibre palpable, de la légèreté du jeu à leur questionnement existentiel, ils sonnent juste dans leur relation de couple, sans vouloir pousser le ton, la voix. Simon Larvaron, le laitier amant, par sa brièveté d’apparition, réveille le duo dans leur désir de pouvoir de l’un sur l’autre.
L’Amant, une relecture moderne de la mécanique du couple à l’ironie mordante qui ne vous laissera pas indifférent.
« L’Amant » sur la scène du Théâtre du Chêne Noir, à 15h15, relâche les mardis. Vu le 060725